Autant vous dire immédiatement que nous n’avons pas rencontré Premier Métro à l’aube, après une soirée arrosée. Non, c’était à 11 h 30, une heure parfaitement décente pour les fêtards pantinois d’origine angevine. Présents : Dimitri (chant) et Sébastien (synthés-trombone-chant). Absents : Alexandre (basse) et Enzo (batterie).

 

Premier Métro ne se résume pas à cette image. Bien au contraire, le quatuor en sus d’être bosseurs ont des têtes bien faites.

Dès le lycée, Enzo et Dimitri formaient un groupe de funk, Les Cockatooes. C’est lors de leurs études à l’EM Lyon que le duo est devenu un quatuor avec un changement de style, donnant naissance à King Sheep, aux influences de pop rock britannique. « À l’époque, je faisais de la basse et j’étais trop fan au lycée de grands bassistes, Marcus Miller ou Sly and the Family Stone. C’était vraiment un plaisir musical. On était plus musiciens qu’artistes, on exprimait notre fibre artistique en jouant de la musique et en créant de beaux motifs. La transition vers le rock s’est faite avec l’arrivée de Seb, une boule d’énergie incroyable sur scène. Nous avons alors simplifié les patterns pour aller vers plus d’énergie, mais nous ne nous considérions toujours pas comme de véritables artistes, car nous chantions en anglais, et les textes nous touchaient moins. Cependant, l’émotion et l’énergie étaient là », explique Dimitri.

Au-delà de la seule pratique musicale, les fêtes se succédaient, les quatre amis dansant sur des sons des 80’s. « En fait, dans ce truc de communion, ça nous a rappelé quand on était petit et qu’on dansait sur la musique qu’écoutaient nos parents. Puis, nous nous sommes retrouvés à écouter tout un album de Depeche Mode en soirée. C’est là que nous avons réalisé que nous adorions les synthés FM et que nous en étions tous les quatre super fans », raconte Dimitri. C’est ainsi que Premier Métro est né. « Nous avons réinterprété les sons que nous aimions, et le résultat n’est pas un simple hommage aux années 80, mais plutôt un mélange unique qui donne tout son sens à notre musique », explique Dimitri.

 

Sébastien et Dimitri

 

Ce changement musical s’accompagne d’une véritable révolution. « Nous ressentons vraiment que notre démarche artistique a du sens, et que notre message a encore plus d’impact que la musique elle-même », dit Dimitri. « Un exemple concret : il y a cinq ans, nous avons composé Your Guide qui était un peu le son qu’on avait le plus joué avec notre projet Britpop, rock progressif. Ce qu’on retient, c’est une mélodie de synthé hyper stridente et catchy. Maintenant, nous nous concentrons sur la voix, l’enregistrant en premier, puis créant l’arrangement autour pour porter le message. »

La véritable révolution, ainsi qu’une certaine maturité, se trouvent au cœur de leur premier EP Tous les autres sont partis. « Avant, nos projets se limitaient à proposer des morceaux en disant simplement “Voilà une bonne chanson, et en voilà une autre.” Aujourd’hui, notre approche est totalement différente. » Désormais, place à la cohérence et à une réelle démarche artistique. Le quatuor voulait parler des moments où « dans une soirée, tout le monde se barre et puis tu restes, où tu es dans les derniers à rester… Où tu rentres en zig zag, où tu rencontres la personne avec qui tu finis la nuit. Mais aussi des moments d’introspection où tu es un peu ailleurs et ça te fait remonter des choses qu’on a vécues à des moments… On a vraiment voulu explorer à la fois les moments de fêtes les plus « intenses » où tu es au bout de la nuit et ces moments perdus dans tes souvenirs » , dit Sébastien. « C’est ce que nous avons voulu creuser et mettre ensemble pour proposer quelque chose de logique et cohérent dans les textes. »

 

© LFC

 

Mascara, leur nouveau single, traite de l’inclusion et la fluidité des genres. « C’est un texte que nous avons écrit ensemble, parlant de se transformer pour être soi-même la nuit », dit Dimitri. Le clip met en scène le Drag King Power Beau Tom. « En donnant le titre à la voix de quelqu’un d’autre, celle de Tom, cela résonnait avec l’idée d’être soi-même, peu importe son âge, son parcours, ou son genre, et de se sentir beau. » Dimitri ajoute : « Nous avons conçu le clip autour de l’idée que la chanson, dans son refrain, dit “comme je suis belle devant le miroir”. Nous voulions capturer ce moment d’intimité où l’on se retrouve face au miroir, dans sa salle de bain, et on se redécouvre, notamment après s’être maquillé. De plus, c’est quelque chose que nous vivons avant de monter sur scène, lorsque nous mettons du mascara et des paillettes… » Sébastien ajoute : « Dans le clip, on voit Tom se préparer dans l’intimité de la salle de bain, puis sur scène, en communion avec le public, où tout le monde peut être beau. »

 

 

« C’était super enrichissant pour nous. Nous avons décidé de rencontrer des personnes qui pratiquent le drag, ce que nous n’avions jamais fait auparavant. Nous avons également rencontré des personnes en transition de genre. Même si nous adorons le maquillage, le travestissement et le lâcher-prise, nous n’avons jamais ressenti de gêne par rapport à notre genre de naissance. Cette collaboration autour de la chanson visait d’abord à voir si notre message résonnait avec ces expériences, et la réponse était oui. Nous avons collaboré et construit ensemble avec Tom », explique Dimitri. La rencontre a eu lieu sur la scène des Trois Baudets, où les deux chanteurs chantaient en harmonie, se répondant face à face, en miroir. « C’était juste pour célébrer la beauté et le lâcher-prise », ajoute Dimitri.

Au-delà des mots, tout est question d’histoires humaines. La production de l’EP a été confiée à Noé Trystram (Bagarre, Kyo, Pierre Garnier…). « Il nous a vachement challengé et poussé dans notre démarche. Il y a un an et demi, je me suis mis à produire pour d’autres et à découvrir ce milieu, mais pas pour notre projet personnel. J’ai adoré travailler avec Noé. Il travaille pour de nombreux styles différents et a une approche holistique –”là, toi, je te vois ici, toi, je te vois là”… En collaborant ensemble, nous avons repris tout ce que j’avais produit, pour essayer de préciser et pousser les curseurs, pour faire quelque chose de plus marqué dans la direction artistique », explique Dimitri.

 

Les autres sont tous partis – EP Cover

 

Musicalement, cet EP concentre toutes les influences du groupe : des patterns de funk, de grosses batteries, de la trompette. « C’est hyper important pour nous que toutes ces inspirations soient présentes dans l’EP vu que nous nous dévoilons et présentons pour la première fois un six titres », indique Dimitri.

Mais les garçons voient beaucoup plus loin. « On écrit beaucoup. Alexandre, Dim et moi, nous écrivons tous nos chansons et après on les rebosse ensemble. Ça fait qu’on a plein de chansons tout le temps qui débarquent ou des bribes de chansons et de textes », explique Dimitri. « Cet été, nous projetons de faire un album tous les quatre. Nous avons commencé la production. Avec un an de recul et tout le travail sur l’EP, cela nous permet de gagner en maturité dans le choix des sons et des messages. Parfois, une ligne directrice se dégage de ce bruit musical. Notamment, il y a une chanson en cours d’enregistrement sur l’Alzheimer. C’est peut-être un peu éloigné des sujets qu’on a abordés jusqu’à présent, mais c’est hyper profond et touchant. C’est ce qui est important », complète Sébastien.

« Expérimenter » semble être le maître-mot du quatuor pour ce futur album, comme avec le titre Nique le Réel, joué en rappel lors de leur dernier concert bouillant de la Boule Noire. « L’idée est de créer des parenthèses, des sortes de mondes parallèles où l’on échappe à la vie quotidienne. D’un coup ça switch, tu ne sais pas pourquoi t’as rencontré ce gars en soirée, mais c’est lié à un moment particulier. En fait ça, ça te débloque un truc et là, tu bascules un peu dans l’irrationnel. C’est une situation qui nous intéresse beaucoup parce qu’on le vit souvent en fait et qu’on aime bien », indique Sébastien. Dimitri complète : « Sur ce titre, on part avec un super haut BPM, des énormes basses sub et un kick samplé d’un artiste techno que j’adore. Sur d’autres, il y a même des phases d’électro et de rap. Nous ne garderons certainement pas tout, mais c’est cela qui est intéressant. Cet été, le plus dur sera de resserrer ce que nous voulons garder. »

 

 

 

Enregistrer, c’est bien, mais partager, c’est encore mieux. Le quatuor a commencé fort : We Love Green, Rock en Seine, et une récente et complète Boule Noire, le 19 juin dernier, où ils ont alterné nouveaux, anciens titres et duos, notamment avec Power Beau Tom ou une violoncelliste. Les garçons veulent créer un moment de communion, un espace unique en mettant des paillettes sur le public, ce qui créé un moment imprévu et unique. Le live est aussi le moment de tester l’interaction entre le groupe, les nouveaux titres et le public. « Les tremplins que nous avons gagnés nous ont vraiment aidés, certains nous ont même financés », explique Dimitri. Car évidemment, produire de la musique a un coût, surtout lorsqu’on s’autoproduit. Ce sont les recettes de ces tremplins et concerts qui donc financent leurs créations, en faisant fi des contraintes du marketing : pas de singles tous les deux mois, pas de support physique pour l’instant, et la volonté d’un format long. « Nous écrivons un album ultra sincère, ça ne veut pas dire que ça va marcher, mais c’est la seule condition pour toucher les gens. Ce n’est pas grave si nous commençons une chanson par une introduction instrumentale de 1 minute 30, même si cela ne se fait plus aujourd’hui. Si nous adorons cette intro, d’autres personnes pourraient aussi l’aimer. Ces personnes apprécieront vraiment notre démarche. Il faut s’écouter et suivre son instinct », conclut Dimitri.

Premier Métro fonctionne à quatre têtes, qui échangent constamment pour éviter les frustrations et tensions qui peuvent survenir dans un groupe. Le programme est donc à l’enregistrement, ce qui nous privera de les voir cet été sur les routes. Bienvenu dans le temps de la maturité.

 

Les autres sont tous partis est disponible sur toutes les plateformes (autoproduit).

 

Texte Lionel-Fabrice Chassaing