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Aaron Frazer est batteur depuis l’âge de 9 ans. Étudiant à la Jacobs School of Music de l’Université de l’Indiana, il joue avec un autre étudiant guitariste, Blake Rhein, dans un groupe de soul nommé Charlie Patton’s War. Etudiants en arts de l’enregistrement, ils rencontrent Durand Jones, lui aussi étudiant et saxophoniste, qui faute de chanteur, est invité à poser sa voix sur des airs d’Otis Redding lors d’un concert qu’ils donnaient dans un sous-sol. C’est ainsi que démarra l’aventure Durand Jones & The Indications.

Mais les grands batteurs chanteurs ne restent rarement pas derrière leurs fûts pour toujours. En 2021, avec le soutien de Dan Auerbach (The Black Keys), qui signe la réalisation, Frazer publie Introducing…, une petite perle rétro des années 60 à la soul politique des années 70, à la Marvin Gaye ou Curtis Mayfield. Cet album marque le début de sa carrière solo, mettant en lumière son talent exceptionnel et sa capacité à capturer l’essence de la soul tout en y ajoutant une touche contemporaine.

 

@aaron_frazer

 

Né en 1991, Frazer a été profondément influencé par le hip-hop dès son plus jeune âge, avec l’achat de son premier CD, Big Willie Style de Will Smith. Se rêvant beatmaker, il découvre que le hip-hop est une source inépuisable de samples de musique soul historique, ce qui l’a conduit à tomber amoureux de ces 45 tours des années 60. Sous le pseudo The Flying Stars Of Brooklyn NY, il a publié un deux titres, My God Has A Telephone et Live On, affirmant ainsi sa volonté de faire de la soul influencée par le hip-hop.

C’est donc tout naturellement qu’il invite à la co-production des nouveaux titres Alex Goose (Freddie Gibbs/Madlib) qui cite pour influences Serge Gainsbourg, Ennio Morricone, Bob Dylan, Dr. Dre et Holland-Dozier-Holland. « En 2018, j’ai envoyé un message du genre : “Yo, je sais que c’était il y a longtemps, mais j’ai adoré cette mixtape”. Il venait de sortir des instrumentaux avec les a cappella de Jay-Z que ce dernier n’avait pas utilisés pour Blueprint 3. Nous sommes devenus amis à partir de là », dit Frazer.

À l’origine de ce nouvel album, une rupture amoureuse et un déménagement à Los Angeles, apportant leur lot de solitude et de vide. De nature réservée, Aaron souhaitait offrir un portrait intime de lui-même et partager ses émotions. Dès l’ouverture de Into The Blue, nous sommes plongés au cœur de la nostalgie avec une ballade soul poignante : « Lonely nights like this, still I feel your kiss » (« nuits solitaires comme celle-ci, je sens toujours ton baiser »). Le morceau éponyme qui suit évoque les dernières productions de Michael Kiwanuka (Danger Mouse et Inflo aux manettes NDLA) avec ses cordes à la Morricone, telle une odyssée vers l’ouest.

 

 

Le changement de domicile se reflète dans Fly Away, inspiré par la chanson éponyme de 1992 du boys band texan R&B Hi-Five, réimaginée par Goose et Frazer avec un rythme contemporain et une voix rappelant celle de D’Angelo. « Lorsque Mary J. Blige a explosé, j’avais l’impression qu’elle prenait des échantillons de soul des années 70 et chantait cette approche R&B des années 90 par-dessus », a déclaré Frazer. « Ici, j’utilise les mêmes ingrédients, mais en inversant le rapport. Bizarrement, j’avais écrit la voix et la mélodie avec Lydia Kitto de Jungle, avec qui j’ai écrit plusieurs chansons sur cet album. Goose avait créé un instrumental, et il m’a dit : “Yo, qu’est-ce que tu penses de ça ?” Il s’est avéré que les accords étaient les mêmes que ceux de la chanson que nous avions écrite, alors nous les avons combinés. »

Des titres comme le karmique Payback avec sa ligne de guitare et Perfect Strangers avec ses harmonies vocales doo-wop démontrent la capacité de Frazer à fusionner différents genres pour créer quelque chose de nouveau et excitant. « Pour Payback, j’ai commencé par le tambourin et j’ai développé la batterie à partir de là. J’ai pris une basse. Je joue de la basse sur cet album, ce dont je suis très fier car je pense que c’est le seul crédit de basse que j’ai obtenu jusqu’à présent. La ligne de basse est venue ensuite et j’ai commencé à penser à une scène de poursuite, mais je ne voulais pas qu’elle soit si littérale. J’ai l’impression que le karma est quelque chose qui se retourne contre vous, et c’est quelque chose auquel tout le monde peut s’identifier d’une manière ou d’une autre », explique Frazer.

Le popissime Dime est né d’un duo américano-chilien avec la batteuse-chanteuse Cancamusa. « Dime signifie “dis-moi” en espagnol », explique Frazer. Cette chanson a commencé avec la boîte à rythmes que beaucoup de gens associent à Hotline Bling de Drake, et qui est en fait celle de Timmy Thomas. Nous avons commencé par cette boîte à rythmes, et elle m’a mis dans un état d’esprit tropical. Je savais que je voulais avoir un artiste hispanophone sur cet album. J’avais récemment découvert Cancamusa, une collègue batteuse-chanteuse. Son rôle dans cette chanson est crucial pour l’histoire, et si spécial. » Frazer ajoute : « Je me suis retrouvé à revenir sur les bons moments les choses qui allaient bien, pas seulement les choses qui allaient mal. C’est très personnel, mais je me suis souvenu des premiers jours où je me sentais prêt à dire “je t’aime”. J’avais peur que ce soit trop tôt, et j’ai essayé pendant des jours de me retenir, mais il fallait que je le dise. »

 

 

L’album se conclut avec le disco scintillant Easy To Love et le son brut de The Fool, offrant une fin à la fois énergique et introspective. Into The Blue est un voyage émotionnel qui nous invite à explorer les profondeurs de son âme et à embrasser la beauté de la musique et du cinéma. C’est un album cinématographique, un film sonore que Frazer nous encourage à écouter jusqu’à la fin pour en saisir toute la profondeur et la magie.

 

Into The Blue est disponible via Dead Oceans.

En concert à Paris, le 19 octobre 2024, à La Maroquinerie.

 

 

Texte Lionel-Fabrice Chassaing

Image de couverture Rosie Cohen